samedi 16 mars 2013

Chapitre 12 (Nil)

Chapitre 12
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Nil et Elena restèrent là-bas assez longtemps. Sûrement plusieurs mois. Combien ? Peut-être six. Peut-être plus. Les montres n’indiquaient pas les jours. Nil s’était fait à cette vie qui lui était devenue tellement agréable. Seulement, voilà. Roy, lui semblait de plus en plus mal. Il ne pouvait pas beaucoup sortir, sinon que diraient tous ces gens avec leurs religions ? Certains ne faisaient pas attention au youm, mais d’autres montraient beaucoup leur réticence envers le petit animal.
Heureusement, John et Elena étaient là pour lui remonter le moral. Sans oublier Nil. La femme de John ne se montrait que rarement, mais Nil devait avouer que le couple était vraiment bienveillant avec Elena et lui. Pas trop, ni trop peu. Mais Mia lui manquait terriblement.


Mais il ne devait pas penser à ça, aujourd’hui était celui du marché, il devait y aller. Elena venait avec lui aussi. Ils passèrent devant une galerie recouverte de miroirs. A chaque fois, Nil sentait qu’il grandissait. Mais il ne s’entrainait plus. Elena, elle, partait souvent en cachette pour faire des exercices. Mais Nil, non. Cela ne lui plaisait pas. Il n’avait jamais apprécié ni le peu de ses entrainements, ni ses leçons.
Pour l’instant, il était devant un étalage de légumes. Il acheta ce dont il avait besoin, se rendit là où il devait se rendre et rentra. Il retrouva Elena en bas de la ruelle qui montait jusqu’à la maison de John, puis ils déposèrent leurs courses dans la cuisine. John n’était pas là. Nil l’appela plusieurs fois, sans réponse. Pourtant, il n’avait pas prévenu de son absence. Elena était montée voir à l’étage, mais il n’y avait personne non plus. Les deux adolescents se regardèrent, inquiets.
  • Où peut-il être allé ? s’interrogea Elena. Il n’avait pas dit qu’il sortait.
  • Il a du faire un tour, essaya de se convaincre Nil.
Soudain, la porte d’entrée s’ouvrit à la volée. C’était John. Les deux jeunes l’interrogèrent du regard, mais l’homme secoua la tête, complètement abattu.
  • C’est Roy. Il a disparu.
La soirée était arrivée sans que personne ne trouve le youm. Nil était accablé. Où était-il ? Malgré son inquiétude, il devait se coucher sans l’avoir retrouvé. Il se rendit dans sa chambre, impuissant. Elena arriva quelques temps après, l’air de vouloir le réconforter.
  • On va le retrouver, ne t’inquiète pas.
  • Il est allé dans la forêt, j’en suis sûr ! On doit s’y rendre maintenant !
  • Mais, Nil… on ne peut pas partir comme ça !
  • Mais je dois retrouver Roy, insista Nil. Et la seule chance que j’ai de le retrouver, c’est dans la nature, en dehors de la ville. Il faut que j’y aille.
  • Tu dois prévenir John. Je sais que si tu vas dans la forêt, tu ne reviendras pas.
D’un air grave, Elena sortit de la pièce. Nil la regarda s’éloigner, réfléchissant à ce qu’il devait faire. Elena avait raison, tout ce qu’il voulait, c’était rentrer chez lui. Mais il ne pouvait pas l’abandonner ici. Il soupira sans savoir quoi faire.

L’horloge indiquait presque minuit quand  Nil se décida enfin. Il descendit lentement les escaliers et arriva dans le salon. Il n’y avait personne. Il ouvrit le garde-manger le moins bruyamment possible et en sortit deux morceaux de viande. John ne lui en voudrait pas. Il referma et se dirigea vers la porte d’entrée. Il ne prenait rien d’autre. Pas même un manteau. Tant pis. Il ouvrit. Le froid de la nuit fouetta son visage. Il frémit. Avança. S’enfonça dans les ténèbres de la nuit noire.
Derrière lui, le visage en larmes d’Elena, collée à sa fenêtre. Mais il ne fit pas demi-tour.


A l’aube, Nil était déjà loin de la ville. Il marchait dans les plaines, le regard scrutant chaque cachette susceptible de servir d’abri à un youm. Il était très fatigué. Il savait qu’il ne reviendrait pas en ville. Il ne reverrait ni John, ni sa femme, ni les marchands. Ni Elena.
Nil s’arrêta subitement de marcher face à cette horrible sensation. Il était seul.
  • Elena ! hurla-t-il, sans même savoir pourquoi.
Il tressaillit, puis se laissa tomber au sol. Pourquoi faisait-il ça ? Il le savait. Pour retrouver Roy, sa mère, son village, ses amis. Pourquoi pensait-il ça ? Il n’avait aucun ami. Il n’avait que Roy ou Elena. En repensant à elle, une larme coula le long de sa joue. Il aurait tellement aimé qu’elle soit avec lui. Ils s’étaient côtoyés tellement longtemps. Nil aurait aimé lui dire que… mais non. Jamais il n’aurait osé. Jamais il n’aurait pu. Il hurla de toutes ses forces.
  • Elena ! Je t’aime !
Il se trouva ridicule. Et puis s’effondra, épuisé.


Nil se réveilla finalement. Il devait avoir dormi quelques heures, parce qu’il pouvait voir le soleil haut dans le ciel. Il n’était plus au même endroit. Il se trouvait dans une cabane construite assez sommairement. Une douce chaleur se trouvait près de lui. Il tourna la tête et aperçut un feu. Quelqu’un d’autre était là.
Il se redressa un peu et entrevit un animal dormir à quelques pas de là. Il sursauta. Roy ! C’était lui ! Il voulut se précipiter vers lui, mais une voix l’arrêta d’un seul coup :
  • Nil ? Tu es réveillé !`
L’adolescent se retourna lentement, la boule au ventre. Il la regarda. Elle avait un peu maigri. Mais c’était elle. Aucun doute là-dessus.
  • Maman ? Maman, c’est toi !
  • Ne m’appelle pas…
  • Maman ! Tu… tu m’as tellement manqué, je voulais te revoir, mais je ne pouvais pas, parce que je…
Nil s’arrêta, tellement heureux qu’il ne trouvait plus de mots. Mia lui sourit et sembla le dévisager. Mais elle ne posa aucune question. Elle se dirigea simplement vers une corbeille et en sortit un foulard rouge vif aux motifs verts. Nil écarquilla les yeux. Elena. Il était à Elena.
  • Tu étais à l’orée de la forêt quand je t’ai trouvé. Il y avait ce foulard à côté de toi, je l’ai pris. Il est magnifique.
  • A l’orée de…
Elena l’avait transporté jusque là-bas. Une question assaillit Nil.
  • Où sommes-nous ?
  • Très loin de l’ancien village. Au moins deux jours de marche. Tu étais à une demi-heure d’ici.
Nil comprit aussitôt. Elena avait toujours su que Mia était là. Elle n’avait pas hésité à le conduire jusque là. Nil se sentait vraiment coupable. Il se leva péniblement et regarda dehors. Il sursauta.
  • Mia… il n’y a rien ! Il n’y a personne ici !
  • Nil… c’est dur à accepter, mais… j’ai été bannie.
  • Pourquoi ? cria le garçon. Que s’est-il passé ?
  • C’est trop compliqué. Je ne veux pas t’embêter avec ça. On vient de se retrouver, je t’expliquerai plus tard.
Nil n’insista pas. Il alla vers Mia et la prit dans ses bras. Il la sentit tressaillir, puis sangloter.
  • Tu m’as terriblement manqué, Nil. Je… j’avais tellement peur… Où étais-tu ?
  • Dans… en ville.
  • Dans la ville ? Tu as habité là-bas ? Mais que faisais-tu endormi ici ?
  • Je cherchais Roy. Il s’était enfui. Et je voulais te retrouver.
Nil s’écarta des bras de Mia. Il lui demanda timidement :
  • Est-ce que je peux garder le foulard ?
  • Oui, bien sûr. Il vient de là-bas, c’est ça ?
  • Oui.
  • Il faudra que tu me racontes comment c’est !
  • On verra, marmonna Nil.
  • Mais je ne t’y oblige pas.
Nil hocha la tête, reconnaissant. Il ne voulait pas trop en parler. Et puis elle non plus ne voulait pas lui dire pourquoi elle était en exil. Sa mère sortit. Il s’assit à côté de Roy et respira l’odeur du foulard. Bientôt, il n’aurait plus son parfum. Bientôt, il sera taché par la terre. Bientôt, il sera déchiré par le travail. Nil repensa encore à Elena. Que faisait-elle en ce moment ? Il plongea son visage dans le tissu. Quelque chose se froissa. Il redressa la tête et plissa les yeux. Quelque chose avait été cousu. Cela avait été rajouté. Nil pouvait donc l’enlever sans risquer d’abîmer le tissu, ce qu’il fit aussitôt. C’était un bout de soie. En dessous, il y avait un petit papier froissé. Nil frémit et le prit. Il le déplia. Il y avait une inscription, écrite maladroitement à l’aide d’autre chose qu’un crayon. Comme de la terre, ou autre chose encore. Mais Nil ne s’en préoccupait pas. Seule comptait ce qui était écrit. Surtout si c’était d’Elena. Surtout si elle l’avait inscrit après qu’il se soit endormi. Son cœur se mit à battre à toute allure.
Il relut au moins cinq fois les mots pour être sûr. Mais c’était bien ça. Et ça le resterait toujours.
    « Moi aussi, je t’aime. »


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