mercredi 27 mars 2013

Chapitre 13 (Nil)

Chapitre 13
L'aveu




Nil était dans la cabane que Mia avait construite elle-même. Ses genoux repliés contre son ventre. Elle lui expliquait, tranquillement, la raison de son bannissement. Elle avait fini par accepter de tout lui raconter. Lui, Roy collé contre lui et le foulard d'Elena à côté, il écoutait.
  • Nil... Je t'ai dit tout à l'heure que j'avais été bannie. C'est une longue histoire. Je... Je vais te la raconter.
  • Ben... Oui, d'accord.
  • Eh bien en fait... Je... Oh...
Sentant que Mia peinait à tout expliquer naturellement, Nil détourna la tête pour laisser le temps à sa mère. Lui laisser le temps de former les phrases dans son esprits. Il était calme. À peine impatient d'entendre l'histoire de Mia. Mais l'environnement déteignait sur lui. Tout était si calme, dans la forêt, par rapport à la ville ! En imaginant Elena au milieu du bruit et de la tension, il eut un pincement au cœur. La reverrait-il ? Il écouta les bruits, comme lui avait appris Liz. Les craquements des branches. Le souffle saccadé de Mia. Le ronronnement de Roy près de lui. Son cœur.

Nil se demanda s'il aurait le droit, lui, de revenir au Tîî. Et si Mia avait été bannie par sa faute ? Cette pensée lui traversa l'esprit, et il la chassa aussi vite. Non ! Enfin, Mia avala sa salive et continua :
  • J'ai été bannie parce que le chef croit que je t'ai utilisé pour m'allier aux Fô'limann's et organiser une attaque contre le Tîî en me servant de toi. Ce n'est absolument pas vrai, mais...
  • Pourquoi il croit ça ?
  • Je... Je ne peux pas, souffla Mia.
  • Tu ne peux pas quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
  • Nil. Stop. Ne m'oblige pas à te le dire. Non, je ne peux pas.
  • Me dire quoi ?
Nil avait hurlé. Lui même surpris, il sursauta. Roy leva la tête et cessa de ronronner. Le silence se fit encore plus lourd. Mia baissa la tête. Une larme tomba sur sa robe. Elle leva la tête, avec une lueur de défi dans les yeux. C'est là que Nil sut qu'il avait gagné. Elle allait tout lui raconter.
  • Nil... Je... Oh, par ou commencer ? Tu sais pourquoi tu n'as pas de frères et sœurs, pourquoi tu as une mère si jeune et pas de père ?
  • Euh... Non.
  • Parce que... Parce que... Je ne suis pas ta vraie famille.
  • Hein ? Comment ça ? Qu'est-ce que tu racontes ?
  • La vérité, Nil, la vérité. Je ne suis pas ta maman.
Le cœur de Nil rata deux ou trois battements. Mia ? Pas sa mère ? Cela paraissait vraiment invraisemblable, mais les petits détails de sa vie confirmaient que... Mia ne voulait pas qu'il l'appelle Maman. Voilà l'explication. Il n'avait ni frères, ni sœurs...
  • Mais... Pourquoi ? Qui est ma vraie mère alors ? Où est-elle ?
  • Oh... Je ne peux pas. J'ai promis, Nil ! J'ai promis au chef de ne pas te révéler tes origines. Je ne...
  • Si ! Tu es lancée, maintenant, dis-le moi ! Allez !
  • Ta mère est une... Ta mère est une... Une Fô'limann. Ou plutôt elle l'était, car elle est morte. Je... Je vais t'expliquer.
  • Ma mère est morte ! Ma mère est morte.
Nil lavait prononcé ces mots tout doucement. Ils sonnaient bizarrement dans sa bouche. Pour lui, Mia avait toujours été sa mère, alors dire que sa vraie mère était morte, cela paraissait vraiment... bizarre. Une boule dans la gorge, Nil se retint de ne pas pleurer. Il laissa continuer Mia.
  • Ton père, un des nôtres, un Yottominn, a eu une liaison avec une jeune femme Fô'limann. La femme est tombée enceinte, puis elle est restée dans la forêt avec son mari jusqu'à ce qu'elle accouche. Juste après l'accouchement, le jeune homme est retourné au Tîî chercher des tissus pour son enfant tout juste né. Mais quelqu'un l'a vu et dénoncé, il a dû tout avouer. Alors, nos meilleurs chasseurs se sont lancé à la poursuite de la femme. Elle attendait son mari, toute seule. Elle n'a pas réussi à s'enfuir, et nos chasseurs l'ont tué, et ont emporté le nouveau-né au village, pour le sacrifier devant tout le monde. Mais moi, je t'ai vu, tout petit et si innocent, et j'ai supplié le chef de t'adopter. Je savais que, si tu ne vivais pas chez les Fô'limann's mais chez nous, tu penserais comme nous. J'ai dû négocier longtemps, mais le chef a accepté à condition que tu ne fasses aucune bêtise, que je veille bien sur toi et que je ne te révèle pas tes origines.
  • Oh... Je...
  • Chut. Quelques jours après, les Fô'limann's sont venu attaquer notre village et ont voulu tuer ton père. Mais celui-ci s'était déjà enfui. Je suppose que les Fô'limann's avaient trouvé le cadavre de la jeune femme. Mais je ne sais pas comment ils ont deviné qu'elle avait eu une liaison avec un jeune homme Yottominn, ni comment ils ont su qui c'était. Quand ils ont débarqué dans le Tîî, je t'ai caché. Ils ignorent, encore maintenant, que leur jeune femme est tombé enceinte de l'homme et t'a eu. Et tant mieux.
  • Mia ! Je... Je... Oh !
Nil, ne trouvant pas comment exprimer ses émotions, ni quelles émotions exprimer, resta muet. Roy se leva et alla s'asseoir à côté de Mia. Celle-ci pleurait. Nil, tous les muscles tendus, avait les yeux grand ouverts. Sa mère adoptive lui fit signe de dormir, et il obéit.




Il se réveilla à peine vingt minutes plus tard, la mémoire encore marquée par les émotions de la journée. Mia lui sourit tristement. Il se leva et alla se pelotonner contre elle. Puis il lui chuchota :
  • Tu es la meilleur mère adoptive du monde.
Mia sourit un peu plus largement, les joues mouillées de larmes.
Les jours qui suivirent furent extrêmement calmes. Non pas que chacun boudait dans son coin, mais Nil digérait les informations et Mia préférait aussi rester dans le silence. De temps en temps, Roy demandait à jouer en sautant dans tous les sens, mais personne ne réagissait. La nourriture était modeste, même pas la moindre petite galette de royas. Une routine commençait à s'installer dans la cabane de fortune.
Chacun faisait les tâches prévues pour lui, et tout allait bien. Personne ne discutait, riait ou pleurait. Mia avait cessé de pleurer.
Mais au bout d'une semaine, Nil ne put s'empêcher d'entamer une vraie conversation :
  • Mam... euh, Mia ?
  • Oui.
  • Je... Je n'ai pas le droit de revenir au Tîî non plus ?
  • Non, mon chéri. Le chef croit que tu m'as aider à comploter contre notre tribu. C'est totalement faux, mais...
  • Non. Ce n'est pas tout à fait faux. Je me suis fait une... une amie chez les Fô'limann's. Elle s'appelle Elena. Et je... Je pense que ça a contribué à déclencher la bataille. Je suis désolé.
  • Nil ! Tu ne me l'avais pas dit ! Pourquoi ?
  • J'avais peur qu'on nous sépare... Et qu'est-ce que tu aurais pensé ? Tu te serais sûrement dit que je retournais chez eux malgré que tu m'aies adopté. Et ça t'aurait rendu encore plus triste. Je... Je suis vraiment désolé.
  • Ce n'est pas grave. De toutes façons, plus rien n'a d'importance. Nous sommes bannis. C'est fini.
  • Oh, à propos, Ma... Maman. J'ai besoin de revoir Elena. Elle est restée en ville. Elle a aussi été bannie de son village, c'est pourquoi je suis parti avec elle. Je voudrais encore essayer de la convaincre de revenir. J'irai la retrouver demain.
Mia ouvrit la bouche, comme si elle s'apprêtait à parler. Mais elle la referma en hochant la tête. Cela fit mal au cœur à Nil de voir Mia sans aucune autorité, mais il ne dit rien. Ce qui comptait, c'était qu'il allait revoir Elena.
C'était le soir, la nuit tombait, et la lune était cachée par les arbres. Même pour un court trajet, Nil décida qu'il faisait trop noir. Il se coucha contre le mur de la cabane improvisée, et ferma les yeux.
Demain, il allait revoir Elena !
Nil fut réveillé par Mia, au lever du soleil. Il en fut étonné, car il n'avait plus été réveillé par personne depuis... plusieurs mois.
  • Nil, je veux juste te faire quelques recommandations... Parce que si tu ne reviens pas... Je voudrais que, quoi qu'il arrive, tu ne dises à personne que tu n'es pas mon fils. Sauf à Elena, si tu y vas pour ça. Mais à personne d'autre. Et je voudrais aussi, si tu restes en ville, que tu viennes me voir de temps en temps pour être sûre que tu es... vivant.
  • Mais Maman, je suis revenu parce que tu me manquait horriblement ! Bien sûr que je reviendrai te voir. Le plus souvent possible, même !
Nil venait de parler avec une voix brisée. Quitter encore Mia ! Pourquoi devait-il choisir entre elle et Elena ? Mia reprit la parole.
  • Et... Je voudrait te dire une dernière chose... Je suis presque ta mère, car... Car j'ai aimé ton père. Je n'avait que 18 ans et il en avait 25, mais... Quand j'ai su que le bébé qui allait être sacrifié était son fils, je n'ai pas hésité. Je voulais... Je voulais avoir fait quelque chose pour lui.
  • Oh, Mia ! Je suis désolé pour toi. C'est pour ça que tu n'as jamais eu d'amoureux ?
  • Oui. Mais, chut, dépêche-toi. Tu dois partir voir Elena. Ne répètes à personne ce que je viens de te dire. Même pas à Elena. Ce sera notre secret.
  • D'accord. J'y vais. Au revoir, Maman.
Il avait prononcé le dernier mot lentement. Mia ne le grondait plus quand il l'appelait comme ça. Et il en profitait. Cela le rassurait, d'autant plus que Mia n'était pas sa mère.
Nil se leva et pris le foulard d'Elena, sale et poussiéreux. Mais il sentait bon la forêt. Roy sauta sur ses pattes, l'air bien décidé à accompagner son ami. Les deux jeunes partirent, et Mia les accompagna jusqu'à l'orée de la forêt. Elle les embrassa et tourna les talons, sans rien dire. Nil et Roy se mirent en marche. Direction la ville.


Ils arrivèrent, quelques heures plus tard, à la maison de John. Nil connaissait la ville par cœur, après y avoir habité tant de temps. Ce fut la femme de John qui ouvrit. Elle les regarda, surprise, puis les fit entrer. Nil demanda :
  • S'il vous plait, où est Elena ?
  • Elle est partie avec mon mari. Je crois qu'il sont allés faire des courses au marché. Ils reviendront dans environ une demi heure. Tu veux quelque chose à manger en attendant ?
  • Oh, oui, je veux bien ! La bonne nourriture d'ici m'a manquée.
Elle apporte des œufs brouillés et du jambon, avec du pain gris et de la confiture. Ils bavardèrent, comme si de rien n'était, comme si Nil n'était pas parti pendant une semaine. Mais Nil, avec sont air calme, était surexcité à l'idée de revoir Elena.
Enfin, un bruit de clé retenti. C'était John et Elena qui rentraient. Quand celle-ci vit Nil, elle laissa tomber son sac de pommes. Muette. Nil se leva et couru dans les bras d'Elena. John et sa femme montèrent à l'étage, pour les laisser seuls.
Elena s'écria :
  • Nil ! Pourquoi tu es revenu ? Quelque chose ne va pas ?
  • J'ai été banni. Mia aussi.
  • Pourquoi ?
Nil marqua une pause avant de répondre. Il regarda Elena, caressa Roy et fit :
  • J'ai quelque chose d'important à t'annoncer, Elena...


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